Le nez fin

Texte: Martin Rutishauser, Photos: Chris Iseli, 5 Min durée de lecture
Le nez fin

Elle rit. Et lance: «Je ne sais plus du tout de quelle entreprise provenait l’ascenseur, pas de la vôtre, j’espère.» Barbara Hulsbergen parle de l’ascenseur de l’ancien site. Ce dernier se trouvait en haut, dans la rue principale de Balgach, SG, installé là depuis longtemps, très longtemps. Il faut dire que Nüesch Weine existe depuis 1834. Pour situer un peu cette ancienneté respectable: la commune s’était débarrassée des derniers vestiges du féodalisme juste un an plus tôt, en 1833, avec le rachat des dîmes. La Suisse moderne a été fondée 14 ans plus tard. Autant dire que tout cela ne date pas d’hier. En 2001, les Hulsbergen ont racheté Nüesch Weine AG. Le «vieux monsieur Nüesch» avait vendu l’entreprise à Passugger en 1986, dans le cadre du règlement de la succession. Ses filles, dont l’une était physiothérapeute, ne s’intéressaient pas au vin. Passugger avait vendu à son tour à Feldschlösschen, mais juste avant la reprise par Carlsberg, les Hulsbergen avaient mis la main sur Nüesch Weine AG.

Australie, Toscane, Balgach

Il y avait deux raisons à cela: par ce que l’on pourrait qualifier d’inadvertance, le beau-père de Barbara Hulsbergen s’était retrouvé en possession d’un vignoble en Australie. Ce dernier faisait tout simplement partie du domaine qu’il y avait acquis. Mais ce n’est pas tout: Nüesch Weine AG est également propriétaire d’un domaine viticole en Toscane, la Villa Trasqua. Le cadre est idyllique, loin de toute autoroute, voire de routes asphaltées. Ces 120 hectares au coeur du Chianti Classico ont ouvert des perspectives pour la création de vins maison. Et, pour le vin, Barbara Hulsbergen a du nez. Elle a même fondé une école d’oenologie ouverte à tous les amateurs de vins professionnels ou non. Elle a en outre activement contribué à ce que la formation de sommelière et sommelier obtienne le statut de formation professionnelle supérieure, avec examen professionnel et brevet fédéral. L’ancien site présentait certaines difficultés. Barbara Hulsbergen: «L’ascenseur va-t-il marcher? Tous les jours, on se posait la question. Combien vais-je pouvoir charger aujourd’hui? Et il se mettait en mouvement, lentement.» Mais c’était tout le vieil entrepôt qui posait problème: il était immense. Le soir, on avait souvent 30 000 pas dans les jambes. Début 2024, Nüesch Weine s’est installé sur son nouveau site. Depuis son bureau de cheffe, Barbara Hulsbergen a vue directement sur le hall d’entrée et n’a qu’à regarder par-dessus son épaule droite pour voir le hall d’expédition. Voilà Tom Zünd, la tête pensante du bâtiment, mais aussi sa main bâtisseuse: il s’est occupé de la construction en tant que chef de chantier de Schönauer AG. Schönauer AG est à l’origine du concept et de la réalisation: «Un cas idéal», affirme-t-il.

«L’ascenseur va-t-il marcher? Tous les jours, on se posait la question.»
Barbara Hulsbergen, propriétaire du bâtiment

Ciao l’ascenseur de charge, bonjour aux poutres miracles.

Le hall d’expédition est relié sans transition à l’entrepôt: «Notre centre est ici», dit Barbara Hulsbergen. «Parfait d’un point de vue logistique.» Bien plus petit que dans la rue principale, mais avec des étagères à trois niveaux au lieu d’un. Un collaborateur soulève une palette de vin à l’aide d’un chariot élévateur et l’apporte au hall d’expédition distant d’à peine 15 mètres. Tout est au même niveau, pas de caves, pas de voûtes. Un ascenseur de charge? Inutile. Tom Zünd nous livre encore une information qui ravira les amatrices et amateurs de constructions en bois: le hall, qui fait pas moins de 59 mètres sur 36, est exempt de piliers. «Ils gêneraient le passage.» Pour parvenir à une telle longueur sans piliers, il faut des poutres vraiment solides. Et on les voulait bien évidemment en bois. «Nous ne pouvions pas les produire nous-mêmes», dit-il. «Elles sont trop grandes.»

Un tonneau, un bâtiment

En ce jour de juin pluvieux, une atmosphère quelque peu maussade règne sur la zone industrielle de Balgach. Mais la nouvelle construction met de l’éclat dans la grisaille ambiante: le bois de la façade est clair, les éléments en bois non traité sont décoratifs, tout cela rayonne littéralement. Il est intéressant de s’attarder sur l’aspect du bâtiment: sa forme ronde fait référence au tonneau de vin. À l’intérieur, les vins sont exposés sur des présentoirs ronds spécialement fabriqués: il y a là des vins maison de Toscane et d’autres venus des quatre coins du monde compléter l’assortiment. D’autres tentations sont de la partie: olives, artichauts grillés et marinés, et même des pâtes. Buongiorno, Toscana. L’éclairage est dispensé par des supports lumineux également de forme circulaire, qui projettent la lumière sur des parois en bois lisse poncé. À l’extérieur en revanche, le bois est scié à nu, sans le moindre traitement. Il s’élève sous forme de poutres sur la façade en verre, telles les douves d’un tonneau. Le sol est inspiré du Terrazzo. Les éléments de chauffage et de climatisation sont suspendus au plafond. Il a fallu chercher quelqu’un. «Quelqu’un qui croit en la possibilité de fabriquer des poutres de bois d’une telle longueur, sans piliers.» Et les poutres sont arrivées, ponctuellement et d’une seule pièce: 150 cm de haut, 26 cm de large et pas moins de 28,5 mètres de long, pour un poids de 5,5 tonnes. 5 d’entre elles ont été acheminées par transport spécial depuis le Vorarlberg.

«La salle des événements se trouve en haut. Il faut parfois y transporter du matériel lourd. Certaines personnes préfèrent aussi prendre l’ascenseur plutôt que le grand escalier, nos pièces sont hautes. Et AS Ascenseurs est synonyme de qualité et de collaboration parfaite.»
Barbara Hulsbergen, propriétaire du bâtiment

Le sangiovese, l’analyse sensorielle du vin

Barbara Hulsbergen se rend volontiers et souvent en Toscane, sur son vignoble. Question indiscrète: avec son patronyme néerlandais, d’où lui vient son amour de l’Italie? Barbara Hulsbergen explique être suisse. «Ma mère est italienne et mon mari hollandais.» Et elle possède un don, un nez fin. Enfant déjà, elle signalait les odeurs avant que les autres ne les perçoivent. Sa formation a été aussi une affaire de nez: elle a appris l’analyse sensorielle du vin à Wädenswil ZH. Elle a ensuite poursuivi des études de marketing international du vin, notamment à l'université de Geisenheim, en Allemagne, et à la Weinakademie Österreich de Rust, en Autriche. Ce qu’elle y a appris, elle le met en pratique. Son succès et ce bâtiment en sont la preuve. Les vins lui procurent de la joie, lui évoquent la Toscane – mais aussi la chasse et son élevage de chiens de chasse. Il y aurait là aussi beaucoup à raconter.

Magic, le bien nommé

Venons-en donc à l’ascenseur: un Magic. Légèrement dissimulé à côté de l’escalier qui mène à l’étage. On rentre par l’avant, on monte et on sort par l’arrière. Ici se trouve la salle des événements, avec son immense terrasse. On peut la louer. L’affluence
est grande. Pourquoi le Magic? «La qualité de AS Ascenseurs», déclare Tom Zünd, «nous sommes toujours très satisfaits et le prix est correct. Il offre en plus la possibilité d’aménager l’intérieur.» Et celui-ci est maintenant généreusement décoré. Le motif est une photo de la Villa Trasqua, évidemment.

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